Les plages d’Agnès : l’œuvre d’une vie, la vie d’une œuvre

Margaux Emmanuel, French Editor

Image Credit: Wikimedia Commons

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In this article, French Editor Margaux Emmanuel reviews Agnès Varda’s documentary The Beaches of Agnès (2008), where the shores of her childhood, overlain with mirrors, serve as a metaphor for the fusion of memory with the fiction of her work.

En 2008, Agnès Varda présente au monde un documentaire autobiographique, un panorama de sa vie : Les Plages d’Agnès. C’est avec humour, poésie et énergie que se confondent et se marient œuvre, souvenirs d’enfance, amitiés et amours de cette artiste.

Sur le banc d’une plage de la mer du Nord, puis de Sète et de la Californie, Agnès Varda retrace le parcours de sa vie, « à reculons » comme elle le dit avec un sourire. Là, les miroirs se posent sur le sable blanc, s’érigeant en kaléidoscope où se nouent espace et mémoire. Cet espace est reflété en fragments : c’est en effet ce morcellement spatial, géographique mais aussi émotionnel que recherche la cinéaste, afin de reconstituer cette émotion du moment transitoire figé dans les recoins de la mémoire. Il ne s’agit pas de comprendre l’origine de son œuvre – elle proclame elle-même que son enfance ne l’inspire pas particulièrement – mais de retrouver ses impressions. Les couleurs changeantes de la mer, les silhouettes des enfants et des surfeurs qui passent et Varda elle-même participent à un véritable collage visuel. Le sable de la plage est cicatrisé par ces « miroirs foutus»– la vie de cette grande artiste s’étale comme un « amas de taches confuses », fragiles et prismatiques, comme l’écrit Yourcenar dans Comment Wang-Fô Fut Sauvé. L’image du miroir à partir de laquelle ce documentaire se construit symbolise bien cette autobiographie atypique ainsi que la nature de son œuvre, son inspiration, une image partant du soi ancré dans son espace, puis décentré, le reflet rejoignant le regard des autres : ce sont bien les autres qui l’entourent qui « [l’]interpellent, [la] déconcertent, [la] passionnent ». On aperçoit dans ce documentaire des artistes tels que Godard, son mari Jacques Demy ou même Calder.

Elle part du « début de ce que je sais plus ou moins de moi », soit les plages de son enfance, pour tenter de reconstituer sa vie, essayant de retrouver l’émotion des moments perdus, entre le verre coloré de vitraux et les mailles des filets de pêche. Les photographies qui l’inspiraient, des images d’inconnus achetées dans les marchés aux puces ou retrouvées chez elle, sont remplacées par ses propres images et scènes filmées, où l’on aperçoit ses chefs d’œuvre tels que Cléo de 5 à 7 ou ses œuvres les moins connues comme Salut les Cubains, juxtaposées aux images de vagues qui se déferlent sur la plage. Tel le hasard du mouvement de l’océan, Varda parle du hasard qui a engendré cette « mise en place, […] mise en espace » pour son film Documenteur, où s’intercalent des scènes de rue filmées aux scènes d’acteurs.

Ce documentaire offre l’occasion d’apercevoir le processus créatif d’Agnès Varda, que ce soit sa technique avec la spécificité des caméras, mais aussi de faire part de ses émotions et pensées virevoltantes.

Les Plages d’Agnès c’est non seulement l’œuvre d’une vie, mais aussi la vie d’une œuvre.

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